
Nature & Paysages
Aux Pays-Bas, les tulipes sont bien plus qu’un simple symbole national : elles ont été au cœur d’une des premières bulles spéculatives de l’histoire. Entre 1634 et 1637, une véritable frénésie s’est emparée du marché des bulbes, faisant exploser les prix avant un effondrement brutal.
Introduite depuis l’Empire ottoman à la fin du XVIe siècle, la tulipe devient rapidement un objet de fascination. Nous, les Néerlandais du XVIIe siècle, voyons en elle un signe de prestige et de richesse, surtout lorsque certaines variétés rares arborent des motifs striés uniques, dus à un virus végétal.
Face à la demande croissante, un véritable marché se met en place : nous ne nous contentons plus de cultiver ces fleurs, nous spéculons sur elles. Les bulbes les plus prisés s’échangent dans les tavernes et sur les marchés, parfois plusieurs fois avant même d’être plantés !
En 1636, la fièvre spéculative atteint son paroxysme. Un bulbe de Semper Augustus, l’une des variétés les plus rares, peut s’échanger contre cinq hectares de terre ou encore une maison au bord des canaux d’Amsterdam. Certains d’entre nous deviennent riches du jour au lendemain, tandis que d’autres s’endettent pour tenter de profiter de l’engouement.
Le gouvernement n’arrange pas les choses : en assouplissant les règles du commerce des bulbes, il encourage involontairement une prise de risque excessive.
Mais en février 1637, tout bascule. Les acheteurs se raréfient et la panique s’installe. En quelques jours, les prix chutent, laissant sur le carreau ceux qui avaient misé leur fortune sur ces bulbes devenus invendables. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette crise ne nous a pas plongés dans le chaos économique, mais elle a laissé une trace indélébile dans notre histoire.
Pendant longtemps, la Tulipomanie a été présentée comme la première bulle financière, notamment grâce à l’ouvrage de Charles Mackay, Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (1841). Mais des recherches plus récentes, notamment celles de l’historienne Anne Goldgar, montrent que l’ampleur du phénomène a été largement exagérée. Il s’agissait plus d’un marché d’options que d’un krach boursier à proprement parler.
Aujourd’hui encore, la Tulipomanie nous rappelle les dangers de la spéculation et de l’enthousiasme collectif irrationnel. Des parallèles peuvent être faits avec la bulle internet, le Bitcoin ou encore le marché de l’immobilier.
Si vous visitez les Pays-Bas et admirez nos champs de tulipes, souvenez-vous qu’un jour, ces fleurs ont été au centre d’un des épisodes les plus fascinants de notre histoire économique.